Les différents systèmes fonciers au Maroc

Il existe au Maroc différents systèmes foncièrs établis selon la catégorie de  plusieurs types de propriété. Ces statuts, sont issus de plusieurs sources, sociales, ethniques et religieuses et ont chacun son propre histoire et l’arsenal juridique qui les réglemente.

ces systèmes sont au nombre de (5) Cinq : le Melk ou propriété privée, le Collectif, le Guich, le Habous ou Wakf et le Domaine de l’État.

 

I : Le statut Melk ou Propriété Privée

A- Définition :

C’est la propriété privée des terrains qu’ils soient bâtis ou non, plantés ou non, et quel que soit sa destination pour l’agriculture, l’industrie, le tourisme, l’urbanisation, le commerce ou autre.

L’article 9 du Dahir du 2 juin 1915 définit la propriété immobilière comme le droit de jouir et de disposer d’un immeuble par nature ou par destination de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

 

B- Caractéristiques :

La propriété privée peut être pleine et entière comme elle peut être au contraire démembrée et divisée. Dans ce cas, elle comporte deux parties principalement :

  • La nue propriété ;
  • l’usufruit, le droit de superficie (constructions ou plantations), l’emphytéose, le droit d’usage et d’habitation, ou l’un des droits coutumiers musulmans.

 

Le propriétaire de la nue propriété ne possède que le droit d’en disposer indépendamment de la deuxième partie et qui confère à son titulaire tout les attributs de la propriété.

Par ailleurs, la propriété privée peut être exclusive et individuelle, ou en indivision, comme elle peut être encore soumise au régime de la copropriété des immeubles bâtis.

Cette propriété peut être, aussi, simple, libre de toutes charges, ou bien grevée de droits réels ou de charges foncières, tels que les hypothèques, les emphytéoses, les servitudes, les prénotations, ainsi que les restrictions au droit de disposer, etc.

Le propriétaire d’un bien dépendant de ce statut peut être, soit une personne physique, soit une personne morale de droit public (L’Etat ou l’un de ses démembrements), ou de droit privé (Sociétés) ou encore soumise à une loi particulière (les coopératives, les associations ou les amicales).

Cependant, les terrains agricoles ou à vocation agricole situés en partie ou en totalité à l’extérieur des périmètres urbains ne peuvent être acquis par des sociétés par actions quelque soit la nationalité des détenteurs d’actions, ou par des personnes physiques étrangères, sauf en cas de perte de la vocation agricole ou de l’implantation d’un projet autre qu’agricole (Dahir portant loi n° 1-73-645 du 23/04/1975 relatif à l’acquisition des propriétés agricoles ou à vocation agricole à l’extérieur des périmètres urbains)

La propriété privée ou Melk peut être, non immatriculée, immatriculée, ou seulement en cours d’immatriculation. Ce statut est le plus dominant et répandu notamment en milieu urbain.

 

II : Le Statut Collectif – Ou (Propriété des terres collectives)

Ce sont des terres appartenant en pleine propriété à des collectivités ethniques régies par les coutumes locales et une législation particulière définissant les règles de gestion de ces terres.

 

A- Droit applicable:

1- Dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelle administrative des collectivités ethniques et réglementant la gestion et l’aliénation des biens collectifs ;

2- Dahir du 18 février 1924 portant règlement spécial pour la délimitation des terres collectives ;

3- Arrêté viziriel du 13 décembre 1941 réglementant les formalités et conditions de l’adjudication des locations à long terme des terres collectives ;

4- Arrêté viziriel du 14 août 1945 règlementant la gestion des biens collectifs ayant l’objet d’un partage en jouissance perpétuelle ;

5- Dahir du 19 mars 1951 réglementant la gestion et l’aliénation des biens collectifs;

6- Arrêté interministériel du 30 septembre 1959 rendant applicable dans l’ancienne zone de protectorat espagnol et dans la province de Tanger une partie de la législation relative aux biens collectifs.

 

B- Nature et Définition:

Aucun des textes régissant les terrains collectifs ne donne de définition au droit de propriété sur lesdits terrains ou la qualité d’ayant droit ou fixe les critères selon lesquels cette qualité peut être reconnue. Cependant, le législateur a crée un pouvoir central de tutelle et de regard rigoureux quant à l’exercice de ce droit de propriété (art. 1 du Dahir du 27 avril 1919 susmentionné).

Nous pouvons définir les terrains collectifs comme suit :

Il s’agit de biens collectifs consistant essentiellement en des terres agricoles et de parcours et appartenant en pleine propriété, en indivision, collectivement et à titre collectif, à un ou plusieurs groupements ethniques faisant partie d’une même origine et descendant d’une même ethnie, c’est-à-dire, aux tribus, aux fractions ou aux douars, et au sein desquels les droits de chacun ne sont pas déterminés, mais reconnus sous forme de droit de jouissance, selon les modes traditionnelles d’exploitation.

Ce droit de jouissance exercé par les membres males et majeurs desdits groupements (dans la plupart des cas et des localités), mais sans pouvoir aliéner ce droit au profit de personnes étrangères à la tribu.

L’exploitation est effectuée d’une façon collective et collégiale, alternative ou par période, ou encore selon un partage de jouissance sur des parcelles en principe, de même superficie, lequel partage est refait chaque fois qu’un membre de la tribu atteigne l’âge de majorité qui lui confère le droit d’avoir une part sur les dites terres.

En cas de cession à l’amiable ou forcée d’un terrain collectif (expropriation), seuls les chefs de familles peuvent bénéficier du prix ou de l’indemnité. Cependant, dernièrement, un débat a été lancé au niveau de la société marocaine par des associations des femmes collectivistes « Sollaliates » pour que les femmes des tribus propriétaires desdits terrains bénéficient elles aussi du prix de la vente.

 

C- Le régime juridique des terres collectives:

Les terres collectives sont imprescriptibles, inaliénables et insaisissables (art. 4 du Dahir du 27 avril 1919).

1- L’inaliénabilité:

Les terres collectives sont inaliénables. C’est-à-dire qu’elles ne peuvent faire l’objet d’aucun acte de cession ou de disposition ni gratuitement, ni à titre onéreux.

Cependant, des dérogations existent ou ont existé dans le passé, apportées au principe précité. Il s’agit notamment de:

  • a- L’aliénation des terres collectives situées dans les périmètres des villes érigées en municipalités et des centres délimités, ainsi dans leurs zones de banlieue et périphériques par la voie d’adjudication, après approbation par le conseil de tutelle du montant de la mise à prix déterminé par une commission d’expertise. (Article 2 du dahir du 19 mars 1951).
  • b- Les aliénations effectuées au profit des personnes physiques marocaines en vertu d’actes d’acquisition ayant acquis date certaine avant le 12 Août 1960 et ce, en vertu des dispositions du Dahir 1-70-158 du 03 Octobre 1970 relatifs aux aliénations de terres collectives à des marocains et qui dispose en son article premier que « les dispositions du Dahir n° 1-60-078 du 5 Moharrem 1380 (30 Juin 1960) ne sont pas applicables aux propriétés, qui, à la date de sa publication, appartenaient par l’effet de l’immatriculation ou d’une inscription sur les livres fonciers à des personnes physiques marocaines » sachant bien que le dahir n° 1-60-078 du 30 juin 1960 était relatif à la résiliation des aliénations consenties sur les terres collectives.
  • c- L’aliénation au profit de l’État, des communes, des établissements publics ou des collectivités ethniques qui peut être réalisée « soit, de gré à gré, dans le cas où la collectivité propriétaire et le conseil de tutelle sont d’accord sur le principe et les conditions de l’aliénation, soit par voie d’expropriation dans le cas contraire » et ce, en vertu de l’article 11 du Dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelle administrative des collectivités ethniques et réglementant la gestion et l’aliénation des biens collectifs.
  • d- La melkisation des terres collectives situées en totalité ou en partie dans les périmètres d’irrigation et ce, en vertu du dahir n° 1-69-30 du 25 Juillet 1969 relatif aux terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation. Cette appropriation, est faite de plein droit au profit de tous les membres de la collectivité ethnique concernée possédant la qualité d’ayant droit sur lesdites terres et ce, à partir du 29 Juillet 1969, date de la publication au Bulletin Officiel du dahir précité.

 

2- L’insaisissabilité:

Les terres collectives sont insaisissables. Elles ne peuvent faire l’objet de mesure de saisie, ni conservatoire, ni d’exécution, ni faire l’objet de vente forcée par adjudication.

Cette insaisissabilité est une conséquence bien entendu de leur inaliénabilité et qui engendre aussi bien leur non possibilité de faire l’objet d’affectation hypothécaire en vue de garantir des éventuels crédits.

3- L’imprescriptibilité:

Le droit de propriété des terres collectives, même s’elles ne sont pas immatriculées, est imprescriptible. C’est-à-dire que ces terres ne peuvent être appropriées par aucun des modes de prescription ni acquisitive, ni extinctive.

La possession, même remplissant toutes les conditions exigées par la loi et notamment par la loi musulmane, et même s’elle perdure au-delà de la durée légale, ne pourrait en aucun cas faire acquérir de droits sur lesdites terres.

Aussi, la non exploitation desdites terres collectives ne pourrait en aucun cas faire perdre auxdites terres leur caractère collectif.

Il est à préciser que le droit de jouissance perpétuel reconnu à un chef de famille de la collectivité est lui aussi imprescriptible, il ne peut être aliéné ou saisi qu’au profit de la collectivité.

En conséquence, le droit de propriété des terres collectives, ainsi que les droits de jouissance revenant aux collectivistes constituent une exception à l’effet de purge produit par la décision de l’immatriculation foncière d’une propriété donnée.

 

D- Droits spéciaux reconnus aux collectivités:

Les collectivités peuvent être titulaires, éventuellement, en plus des droits de propriété sur des terres de culture ou de parcours, de droits sur le domaine public et privé de l’État, ainsi que sur le domaine forestier. Elles peuvent aussi avoir des droits coutumiers miniers.

1- Droits sur le domaine public de l’État:

La loi n°10-95 promulguée par le Dahir n° 1-95-154 du 16 Août 1995 relative à l’eau en son article 6, à l’instar du dahir du 1er juillet 1914 sur le domaine public et celui du 1er Août 1925 sur le régime des eaux a consacré et reconnu certains droits de propriété, d’usufruit ou d’usage acquis sur le domaine public hydraulique et a organisé une procédure pour la reconnaissance de ces droits, à condition de les revendiquer dans un délai de 5 ans à compter de date de publication de la dite loi (20 Septembre 1995) sous peine de forclusion.

Les collectivités ethniques sont parmi les titulaires de ces droits dits privatifs d’eau.

2- Droits sur le domaine privé de l’État:

Certaines collectivités ethniques possèdent des droits de Menfâa sur des terres faisant partie du domaine privé de l’État et qui ont constitué les terres guich minier. Aux termes de l’article 12 du dahir du 16 avril 1951 portant règlement minier au Maroc ; les permis et concessions ne font pas obstacle aux droits coutumiers dont jouiraient les Marocains pour l’extraction de certaines substances.

Ces droits miniers coutumiers qui concernent principalement l’extraction du sel, du plomb, du cuivre, peuvent appartenir collectivement à des tribus.

Les titulaires de permis miniers ou de concessions peuvent être autorisés, à s’affranchir de ces droits miniers coutumiers, pour tout ou partie de leur périmètre, moyennant le paiement aux intéressés d’une indemnité qui, à défaut d’accord, est fixée par le dahir d’autorisation.

De même, le Dahir du 10 octobre 1917 sur la conservation et l’exploitation des forêts soumet au régime forestier, les terrains collectifs reboisés ou à reboiser et les terres de parcours collectives à améliorer par l’Etat après accord du conseil de tutelle des collectivités les soumettant ainsi à un double régime forestier et collectif.

 

E- Gestion des terres collectives:

1- Tutelle des collectivités:

Pour exercer leurs droits, les collectivités ethniques doivent, dans chaque cas, transférer leurs pouvoirs à telles personnes de leur choix, dans les formes authentiques usuelles. L’ensemble des personnes ainsi choisies constitue l’assemblée des délégués (jemâa el nouab).

Cette assemblée désigne, dans les mêmes conditions, un ou deux de ses membres pour représenter le groupement devant les tribunaux ou dans les autres actes juridiques intéressant la vie collective.

Une certaine tutelle administrative est exercée sur les collectivités ethniques par le ministre de l’intérieur. Ce dernier peut consulter et, dans certains cas, doit réunir le conseil de tutelle.

a- Actes soumis à la tutelle administrative en matière foncière:

a-1- Avec autorisation du tuteur

– Ester en justice pour la revendication des droits,

-Introduire des réquisitions d’immatriculation des terres appartenant aux collectivités ethniques;

– Donner la mainlevée des oppositions ou leur acquiescement, soit en totalité, soit en partie;

– conclure des contrats de location et d’association agricole concernant les terres collectives selon certaines conditions;

– conclure des contrats de location n’excédant pas une durée de trois années.

Lesdits contrats ou baux doivent être constatés par écrit, ils peuvent être renouvelés avec l’approbation expresse du tuteur.

a-2- Avec l’accord ou l’approbation du conseil de tutelle:

– L’aliénation d’un immeuble collectif au profit de l’État, d’une commune, d’un établissement public ou d’une collectivité ethnique dans le cas où la collectivité propriétaire et le conseil de tutelle sont d’accord sur le principe et les conditions de l’aliénation.

– Toutes les opérations effectuées par les collectivités ethniques avec les tiers.

a-3- Sans autorisation, ni accord, ni approbation, ni du tuteur, ni du conseil de tutelle:Formuler opposition aux réquisitions d’immatriculation enrôlées par des tiers pour des propriétés présumées collectives.

 

F- L’apurement juridique des terres collectives:.

Les terres collectives peuvent être soumises au régime de l’immatriculation:

– Soit dans le cadre de la procédure normale édictée par le dahir du 12/08/1913 sur l’immatriculation des immeubles,

– Soit dans le cadre de la procédure spéciale édictée par le dahir du 18 février 1924 portant règlement spécial pour la délimitation des terres collectives.

Le tuteur des collectivités ethniques, c’est à dire le ministre de l’Intérieur a qualité pour agir seul, au nom desdites collectivités pour les opérations d’immatriculation foncière

1- Immatriculation foncière:

Le ministre de l’intérieur, tuteur des collectivités, a qualité, au besoin, pour agir seul au nom d’une collectivité, pour les actions immobilières et pour la procédure d’immatriculation.

La procédure d’immatriculation est simplifiée lorsqu’elle fait suite à une procédure administrative de délimitation effectuée en vertu du dahir du 18 février 1924.

L’homologation des opérations de délimitation par décret, fixe d’une manière irrévocable, la consistance matérielle et l’état juridique de l’immeuble délimité (article 9 du dahir de 1924). Suite à cette homologation, l’immatriculation d’une terre collective, peut être prononcée à la requête du tuteur, après simple récolement du bornage et levée du plan foncier du terrain (art. 10 du dahir de 1924).

Le titre foncier est établi au nom de la collectivité ethnique propriétaire, avec indication, s’il y a lieu, de la tribu dont elle dépend.

2- Délimitation des terres collectives:

La délimitation des terres collectives a été réglementée par le dahir du 18 janvier 1924. Il s’agit d’une procédure administrative, dans laquelle peut s’imbriquer une procédure d’immatriculation foncière, le cas échéant. Comme nous l’avons vu, une terre collective, une fois délimitée, peut d’ailleurs être immatriculée d’une manière simple et rapide.

Les formalités de cette délimitation sont les suivantes:

  • a) Un décret, pris sur requête du ministre de l’intérieur, fixe, pour une terre collective donnée, dont l’emplacement et les limites sont précisées ainsi que le nom de la collectivité propriétaire, la date d’ouverture des opérations de délimitation.
    Ce texte est publié au B.O. et affiché en divers lieux. La date d’ouverture des opérations fait, en outre, l’objet, dans le mois qui précède la délimitation, d’une publicité complémentaire par affichage et par voie de criée.
    A partir de ce texte, aucun acte de disposition ne peut avoir lieu que dans les conditions du dahir du 27 avril 1919.
  • b) Au jour fixé, la commission administrative, composée d’un représentant du ministre de l’intérieur, du caïd, d’un géomètre, de deux adouls, etc, procède aux opérations de reconnaissance et de bornage des limites.
    Le procès-verbal de délimitation, accompagné d’un plan est déposé au bureau de l’autorité locale; un autre dépôt est fait à la conservation foncière.
    Ces dépôts sont annoncés au B.O. et affichés.
  • c) L’opposition à la délimitation d’une terre collective formée, soit entre les mains de la commission, soit six mois au plus tard à partir de l’insertion au B.O. annonçant le dépôt du procès-verbal des opérations à l’autorité locale, doit être validée dans les trois mois qui suivent par le dépôt par l’opposant d’une réquisition d’immatriculation.
    Mais, il est à noter que l’opposant à la délimitation d’une terre collective, qui formalise cette opposition par le dépôt d’une réquisition d’immatriculation relative à la parcelle revendiquée, a la qualité de demandeur et doit faire la preuve de ses droits de propriété, alors que, normalement, un requérant dans la procédure ordinaire d’immatriculation est défendeur en cas d’opposition.
  • d) Une fois la procédure terminée, et s’il y a lieu après solution des litiges nés de réquisitions d’immatriculation déposées par des opposants à la délimitation, il est procédé à l’homologation des opérations, par décret publié au B.O.

 

L’homologation des opérations de délimitation fixe d’une manière irrévocable la consistance matérielle et l’état juridique du terrain délimité; toutefois, l’homologation ne fait pas obstacle à ce que les nappes alfatières soumises au régime forestier, incluses dans le périmètre du terrain délimité, puissent faire l’objet, par la suite, d’une délimitation au profit du domaine privé de l’État, dans les conditions du dahir du 3 janvier 1916.

 

III: Le Statut Guich:

A- Définition :

Ce sont des terres qui avaient été concédées par le sultan, sous forme de jouissance à certaines tribus dites Guich, (le mot vient de djich ou armée), moyennant leur mobilisation en contingents militaires en cas de besoin, en vue de défendre l’intégrité territoriale et d’assurer la police dans leurs régions.

Ainsi, en contrepartie de sa mobilisation, la tribu Guich disposait d’un droit collectif appelé : droit de Menfâa et qui constitue un démembrement du droit de propriété. Le droit de raqaba (la nue propriété), était conservé par l’État.

Ce droit de Menfâa, qui était réservé bien entendu aux membres mâles de la tribu, est aussi, à l’instar du droit de propriété des terres collectives, inaliénable, insaisissable et imprescriptible. En plus, il est non transmissible par voie de succession.

Le régime juridique des terres guich est inspiré en grande partie du droit musulman et des coutumes locales.

A cet égard, il y a lieu de préciser qu’il n’existe aucun texte législatif ou réglementaire particulier régissant les terres Guich, mise à part deux circulaires du grand vizir datées respectivement des 1er novembre 1912 et 19 Février 1944; le tout faisant ressortir le caractère d’inaliénabilité de ces terres.

 

B- Caractéristiques :

Les terres guichs possèdent un statut hybride qui relève à la fois du régime domanial et du régime collectif ce qui fait que deux entités administratives se partagent le droit de propriété :

– Le ministère des finances (direction des Domaines) ;

– Le ministère de l’Intérieur (direction des affaires rurales), pour la gestion, le contrôle et la défense des intérêts des collectivités installées sur ces terres.

La conséquence de cette dualité et des similitudes avec le régime collectif, est que les terres guichs sont inaliénables, insaisissables, imprescriptibles et peuvent faire l’objet d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Pour leur acquisitions, les acquéreurs autorisés conformément à l’article 11 du Dahir du 27 avril 1919 relatif aux terrains collectifs, devraient acquérir la nue propriété du ministère des finances et l’usufruit du ministère de l’Intérieur pour regrouper la pleine propriété.

Les lots guich ne s’héritent pas, c’est le droit à une quote-part qui est transmissible aux mâles majeurs. Cependant, avec la mise en place d’une armée régulière et la demande pressante de terrain, le guich s’est stabilisé, les partages ne se font plus, et les exploitants ont tendances à se comporter en propriétaires

Cependant, il est à noter que ce statut est en voie de disparition.

 

IV: Le Statut Habous ou Wakf:

A- Définition:

Le terme Habous est, sur le plan Étymologique, synonyme de wakf. Il signifie : « arrêter, mettre en arrêt, mettre en dehors et garantir contre tout acte discrétionnaire, enfin immobiliser »

Sur le plan juridique, le Habous ou Wakf est défini en général comme étant un acte juridique par lequel une personne, en vue d’être agréable à Dieu, se dépouille d’un ou de plusieurs de ses biens, généralement immeubles, et les met hors du commerce.

Cette mise hors du commerce est effectuée moyennant l’affectation des biens qui en font l’objet à perpétuité à une œuvre ou à un but pieux, charitable ou social:

  • 1- Soit d’une manière définitive, absolue et exclusive de toute restriction: (Habous public),
  • 2- Soit en réservant la jouissance de ces biens à une ou à plusieurs personnes déterminées. Ces personnes peuvent appartenir:
    • a- soit à la même famille du constituant: (Habous de famille):
      • à l’exception des filles ou en les incluant;
      • avec ou sans ascendants de ses derniers bénéficiaires;
      • avec ou sans détermination du degré des ascendants;
    • b- soit à la famille du constituant et à d’autres personnes étrangères au constituant: (Habous mixte);
    • c- soit enfin, purement et simplement à des personnes étrangères au constituant.

 

Les Habous de famille, mixte ou Moaqab deviennent Habous public à l’extinction des bénéficiaires du droit de jouissance ci dessus.

Législation  applicable:

– Dahir du 11 Décembre 1912 sur la reconnaissance et l’évaluation des biens Habous.

-Dahir du 13 Juillet 1913 fixant les attributions de la direction des Habous.

-Dahir du 21 Juillet 1913 réglementant la mise en valeur des habous publics.

-Dahir du 2 Décembre 1913 portant instructions du Directeur Général des Habous sur les échanges et les locations à long terme en ce qui concerne les habous privés et ceux des zaouia.

– Dahir du 27 Février 1914 portant règlement des droits de gza, istidjar, guelsa, clé, zina.

– Note du 10 Avril 1914 sur la réglementation des droits réels de jouissance grevant les immeubles habous.

– Dahir du 12 Mai 1914 portant institution d’un Conseil Supérieur des habous.

– Dahir du 8 Juillet 1916 réglementant les échanges d’immeuble habous grevés du droit de menfà.

– Dahir du 8 Juillet 1916 modifiant les dispositions de l’article 8 du dahir du 27 février 1914 concernent les terrains habous nus et grevés de gzâ.

– Dahir du 13 Janvier 1918 réglementant le contrôle du vizirat des habous sur les habous de famille.

– Dahir du 11 Février 1918 plaçant sous le contrôle du vizirat des habous tous les édifices affectés au culte musulman.

– Dahir n° 1-57-316 du 16 Décembre 1957 portant application à la zone nord du Royaume du Maroc de la législation applicable aux biens habous.

– Dahir n° 1-62-102 du 7 Septembre 1963 exonérant de droits de conservation foncière les procédures d’immatriculation de certains biens habous.

– Dahir n° 1-77-83 du 8 Octobre 1977 relatif aux habous de famille et mixtes.

– Dahir portant loi n° 1-84-150 du 2 Octobre 1984 relatif aux édifices affectés au culte musulman.

– Dahir n° 1-03-193 du 4 décembre 2003 fixant les attributions et l’organisation du ministère des Habous et des affaires islamiques.

– Décret n° 2-08-74 du 9 juillet 2008 pris pour l’application du dahir portant loi n° 1-84-150 du 6 moharrem 1405 (2 octobre 1984) relatif aux édifices affectés au culte musulman.

 

C- Régime juridique:

Le régime juridique des biens Habous repose sur un principe fondamental similaire à celui des terres collectives et du domaine public. Ces biens sont aussi inaliénables, insaisissables et imprescriptibles.

1- Biens imprescriptibles:

Les biens Habous, même s’ils ne sont pas immatriculés, sont imprescriptibles. Ce qui veut dire qu’ils ne peuvent être appropriés par aucun des modes de prescription ni acquisitive, ni extinctive.

La possession, même remplissant toutes les conditions exigées par la loi et notamment par la loi musulmane, et même s’elle perdure au-delà de la durée légale, ne pourrait en aucun cas faire acquérir de droits sur lesdits biens.

Aussi, la non utilisation, la non exploitation desdits biens Habous ne pourrait en aucun cas leur faire perdre leur caractère de biens Habous.

En conséquence, les biens Habous constituent aussi une exception à l’effet de purge produit par la décision de l’immatriculation foncière d’une propriété donnée.

2- Biens inaliénables:

Les biens Habous sont aussi inaliénables, donc, mis hors du commerce, sauf:

a- En ce qui concerne le Habous public:

-Pour les terrains à bâtir ou de culture sis en dehors des périmètres d’irrigation qui peuvent faire l’objet d’échange par voie d’adjudication et ce, en contre partie d’un autre terrain à affecter aux habous ou moyennant de l’argent à charge de réemploi.

Le dit échange est conditionné par l’obtention d’une autorisation chérifienne de S.M le Roi sous forme de dahir (dahir du 21 Juillet 1913 réglementant la mise en valeur des Habous public).

– Pour les terrains agricoles ou à vocation agricole sis en totalité ou en partie à l’intérieur des périmètres d’irrigation dont la propriété peut être transférée à l’État, en contre partie de la remise aux Habous public de terrains domaniaux ou d’une indemnisation en espèces, à charges de remploi.

b- En ce qui concerne le Habous de famille ou « Moaqab» ou « mixtes »

Les Habous de famille ou « Moaqaba » ou « mixtes » peuvent être liquidés sur la demande des dévolutaires intermédiaires intéressés, et ce, en vertu du dahir n°1-77-83 du 8 octobre 1977 relatif aux Habous moaqab et mixte.

La liquidation est décidée par le ministre des Habous et des affaires islamique, lequel renvoie à une commission instituée à cet effet par le décret n° 2-79-150 du 18 Avril 1979.

En vertu donc des dispositions du dahir précité du 8 octobre 1977, le 1/3 en pleine propriété sera attribué aux Habous public, et les 2/3 restants seront attribués aux intéressés, selon les modalités suivantes:

– soit selon les règles régissant l’héritage dans le cas où les héritiers du constituant sont toujours en vie,

– soit par parts égales entre les bénéficiaires dans le cas de l’extinction des héritiers du constituant.

3- biens insaisissables:

Les biens Habous sont également insaisissables ; ils ne peuvent faire l’objet de mesure de saisie, ni conservatoire, ni d’exécution. Ils ne peuvent aussi faire l’objet de vente forcée par adjudication.

Cette insaisissabilité est une conséquence bien entendu de l’inaliénabilité desdits biens et qui engendre aussi bien leur non possibilité de faire l’objet d’affectation hypothécaire en vue de garantir des éventuels crédits.

 

D- Apurement juridique des biens Habous:

Les biens Habous peuvent être soumis au régime de l’immatriculation foncière quelque soit le type de Habous auquel ils dépendent et ce, selon la procédure normale de l’immatriculation foncière édictée par le dahir du 12 Août 1913 sur l’immatriculation des immeubles.

Selon l’article 7 du dahir du 12 Août 1913 précité, l’immatriculation des immeubles frappés de Habous public échangés, est obligatoire.

De même, les actes constitutifs de habous ainsi que les décisions et actes de liquidation du habous moaqab ou mixte sont obligatoirement inscrits aux Titres Fonciers y afférent.

Il y a lieu de noter les procédures d’immatriculation des biens frappés de Habous sont gratuites et ce, en vertu du dahir n° 1-62-102 du 7 Septembre 1963.

 

V : Les Propriétés Domaniales

Ce sont des propriétés appartenant à l’État ou à l’un de ses démembrements, soit sous forme de domaine public, soit sous forme de domaine privé.

Les règles législatives et réglementaires régissant chacun de ces sous statuts sont toutes différentes les unes des autres.

La démarcation entre ces différentes règles est due à la nature spéciale de chaque type de propriété.

Les règles régissant les deux sous domaines, ont été édictées en vue de la préservation du domaine de l’État et de ses démembrements.

 

A- Le Domaine public:

Le dahir du 1er Juillet 1914 sur le domaine public a donné, mais non limitativement, les différentes portions naturelles et ouvrages de travaux publics devant en faire l’objet du domaine public, et ce en avoir donné une définition

Le dit dahir a instauré pour ce domaine public en même temps, une procédure de délimitation administrative, sans pour autant que cette procédure ne produise un effet de purge définitive à l’encontre des droits privatifs non revendiqués par des tiers.

1- Le régime juridique du domaine public:

Le régime juridique du domaine public repose sur les règles de droit fondamentales et les principes suivants:

a- Premier principe::

Le domaine public est inaliénable, imprescriptible, et par voie de conséquence, il est insaisissable.

De ce fait, le domaine public constitue l’une des exceptions à l’effet de purge que produit la décision de l’immatriculation, mais, à charge bien entendu pour la puissance publique d’en établir le caractère de domanialité publique.

b- Deuxième principe:

Le domaine public est affecté à l’usage collectif de tous les citoyens, avec faculté pour l’État d’accorder une occupation temporaire ou une amodiation de ce domaine au profit des tiers.

Toutefois, les portions du domaine public qui ne seraient plus utile pour les besoins publics, pourront être déclassées et reversées dans le domaine privé de l’État.

c- Troisième principe:

Toutes les propriétés privées sont soumises aux servitudes de passage, d’implantation d’appui et de circulation nécessaires pour l’établissement, l’entretien et l’exploitation des lignes télégraphiques et téléphoniques, des pylônes de la télégraphie sans fil et des conducteurs d’énergie électrique compris dans le domaine public (article 3 du dahir du 1er Juillet 1914).

Ainsi, les droits de propriété résultant du titre foncier ne peuvent foire échec au caractère de domanialité publique d’une piste traversant un immeuble (Trib. Casablanca 14 juin 1937 : Gaz. Trib. Maroc 2 octobre 1937, p. 251).

Aussi, et en plus de ces principes, il est à noter que le domaine public naturel est délimité par la loi, selon sa nature d’être au service de la communauté.

A cet égard, le dahir du 1er Juillet 1914 précité précise les détails de mesures des bords, fronts bords, et des rivages, ainsi que les largeurs des portions faisant partie du domaine public.

La loi n°10-95 promulguée par le Dahir n° 1-95-154 du 18 Rabia I 1416(16 Août 1995) relative à l’eau a repris presque les mêmes dispositions.

2- Immatriculation du domaine public:

Le domaine public peut être soumis à l’immatriculation foncière, mais seulement, dans le cadre de la procédure ordinaire prescrite par le dahir du 12 août 1913 sur l’immatriculation des immeubles et ce, même quand il est délimité conformément à l’article 7 du dahir précité du 1er Juillet 1914.

Il n’existe aucune procédure spéciale de l’immatriculation de ce domaine public.

Les droits de propriété, d’usufruit ou d’usage acquis légalement acquis sur le domaine public antérieurement à la publication du dahir du 1er Juillet 1914 sont maintenus au profit de leurs propriétaires.

Aussi, les droits privatifs d’eau légalement acquis sur les eaux du domaine public avant la publication du dahir du 1er Août 1925 abrogé et remplacé par la loi n° 10-95 relative à l’eau promulguée par le Dahir n° 1-95-154 du 16 Août 1995 sont, eux aussi, maintenus au profit de leurs propriétaires.

D’ailleurs, la loi exige l’inscription desdits droits de propriété, d’usufruit ou d’usage sur les livres fonciers des propriétés concernées, (article 65 du dahir du 12 Août 1913 sur l’immatriculation des immeubles), ainsi que lesdits droits privatifs d’eau (article 48 de la loi n°10-95 relative à l’eau, promulguée par le dahir n° 1-95-154 du 16 Août 1995), sur les titres fonciers concernés, et ce, afin que ces droits soient reconnus existants et deviennent opposables entre parties et à l’égard des tiers, et notamment vis à vis du domaine public et des propriétaires des immeubles concernés et grevés desdits droits.

Par ailleurs, la création du domaine public artificiel ou constituant des ouvrages de travaux publics, ne peut être possédé par l’État que par la voie de l’expropriation. Mais cela n’empêche pas l’État de recourir à la voie de l’acquisition à l’amiable, dans le cadre toujours de l’expropriation pour utilité publique.

Ladite expropriation est régie par la loi n° 7-81 promulguée par le dahir n° 1-81-254 du 6 mai 1982. Ainsi, selon cette loi, le jugement annonçant l’expropriation comporte :

  • 1- Mutation de la propriété au profit de la puissance expropriante,
  • 2- Purge définitive de tous les droits à l’encontre de leurs éventuels propriétaires. Lesdits droits sont d’ailleurs transportés uniquement sur l’indemnité,
  • 3- En ce qui concerne les propriétés non immatriculées, ni en cours d’immatriculation, le jugement précité purge les immeubles ou les droits réels expropriés de tous droits et charges pouvant les grever.

 

Il est à noter que l’expropriation ne génère pas uniquement des propriétés ayant le caractère du domaine public, mais aussi bien des propriétés du domaine privé de l’État ou de l’un de ses démembrements.

En conséquence de ce qui précède, la consécration des droits de l’État se réalise au moyen des procédures cités ci-haut.

Cette consécration peut être entravée par de problèmes d’ordre administratif et pratique, parmi lesquels, on peut citer notamment:

  • a- L’absence parfois même de l’application des procédures de délimitation et d’expropriation (les voies de fait par l’Etat ou ses démembrements);
  • b- La non matérialisation le plus souvent, des portions du domaine public délimités ou expropriés sur les plans et mappes cadastrales des propriétés immatriculées ou en cours d’immatriculation;
  • c- La lenteur dans la délivrance des mainlevées des projets d’expropriation non réalisés à l’expiration des deux années de la validité des décrets prononçant l’utilité publique ou / et comportant acte de cessibilité;
  • d- L’absence de faculté de radiation d’office par le conservateur de la propriété foncière en ce qui concerne notamment les propriétés immatriculées ou en cours d’immatriculation pour lesquelles certains projets qui les affectaient, étaient abandonnés.

 

 

B- Le domaine privé de l’État:

Le domaine privé de l’État est régi principalement par 3 lois :

  • 1- Le dahir du 3 Janvier 1916 portant règlement spécial sur la délimitation du domaine de l’État,
  • 2- Le dahir du 24 Mai 1922 relatif à l’immatriculation des immeubles domaniaux délimités selon la procédure du dahir du 3 janvier 1916 (26 safar 1334) portant règlement spécial sur la délimitation du domaine de l’Etat ;
  • 3- Le dahir du 25 Juin 1927 relatif à l’immatriculation des immeubles domaniaux provenant du déclassement du domaine public.

 

Il est à préciser que le domaine privé de l’État provient de plusieurs sources :

  • 1- Les biens présentant la présomption de domanialité privée : terres sans maître ou sans propriétaire;
  • 2- Les biens dépendant des successions vacantes;
  • 3- Les propriétés expropriées pour utilité publique en vue d’établir des services publics;
  • 4- Les portions déclassées du domaine public;
  • 5- Les ex-lots de colonisation repris par l’État dans le cadre des conditions fixées par le dahir n° 1-63-289 du 26 Septembre 1963;
  • 6- Les immeubles agricoles ou à vocation agricoles ayant appartenu à des personnes physiques étrangères ou à des personnes morales reprises par l’État conformément au dahir portant loi n°1-73-213 du 2 mars 1973;
  • 7- Etc.

 

Aussi, le domaine privé de l’État comprend le domaine Forestier constitué par les Forêts, les nappes Alfatières et les terrains comportant des plantations artificielles.

Ce domaine est régi aussi bien par la législation réglementant le domaine privé de l’État en ce qui concerne l’immatriculation foncière et la délimitation administrative, que par une législation spéciale tenant compte du caractère particulier des forêts. Il s’agit notamment du dahir du 10 octobre 1917 sur la conservation et l’exploitation des forêts.

Le domaine privé de l’Etat, peut être également, soit délimité, soit immatriculé après ou sans délimitation.

De même, celui provenant de l’expropriation ou du déclassement du domaine public peut lui aussi être immatriculé selon des procédures spéciales (la loi n° 7-81 promulguée par le dahir n° 1-81-254 du 6 mai 1982 relative à l’expropriation et le dahir du 25 Juin 1927 relatif à l’immatriculation du domaine public déclassé).