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Conseil de la concurrence : Le régulateur global est réactivé

Conseil de la concurrence : Le régulateur global est réactivé ...

La nomination par S.M Le Roi en novembre 2018 de Monsieur Driss Gerraoui à la tête du conseil de la concurrence a mis fin à une période de « carence » et de « gel » de cette institution qui a duré plusieurs années. Un tel évènement a été salué par les milieux d’affaires et le monde économique et social ainsi que par les associations de protection des consommateurs. Il consacre la mise en œuvre effective d’une autorité indépendante consacrée par l’article 166 de la constitution comme étant la garante d’une relation économique saine, transparente et équitable entre les acteurs dans une économie libérale.

Artemis a saisi cet évènement inédit pour inviter le président du Conseil de la concurrence à une interview dans laquelle, ce dernier livre ses ressentis sur cette nomination et sa vision qui cadre les perspectives des chantiers et projets envisagés pour cette institution de régulation globale.

Votre nomination à la tête du conseil de la concurrence a été bien saluée par les milieux d’affaires et la société civile. Comment l’avez-vous reçue de votre côté ?

Ma nomination par Sa Majesté le Roi comme nouveau Président du conseil de la  concurrence  correspond  à  une réelle attente de tous les acteurs et forces vives de notre pays, notamment les citoyens-consommateurs et les entreprises, y compris les entreprises étrangères évoluant au Maroc, celles désirant y investir.

Mais cette nomination m’a surtout permis de mesurer toute la responsabilité dont m’a investi Sa Majesté le Roi pour assurer la réactivation d’une institution constitutionnelle dotée de larges pouvoirs décisionnaires et consultatifs et d’attributions de régulation englobant tous les secteurs de la production, la distribution et de services.

Cette responsabilité implique, cependant, une gouvernance de l’institution pouvant contribuer à réaliser un objectif stratégique, celui de consacrer dans les faits, l’égalité des citoyens et des entreprises devant l’acte par l’application stricte des règles de la libre concurrence, de l’équité et   de la transparence dans les relations économiques et les marchés.

Ce qui rend cette mission plus cruciale est que le Conseil de la Concurrence soit une institution au cœur des grands enjeux économiques et des  défis  sociaux  majeurs  qui  se dressent devant notre pays  en  termes  de  bien-être du consommateur, de compétitivité  du  tissu  productif  et corrélativement de création de richesse et d’emplois  en libérant les énergies de l’économie et de la société marocaine.

Les orientations de Sa majesté le Roi dans ce sens ont   été claires. Il faut veiller à une application stricte de la    loi, préserver la neutralité de l’institution et garantir son indépendance, conformément à l’esprit et à la lettre de la loi fondamentale de notre pays, en se soustrayant en cela à toutes les pressions et influences du monde des affaires et de la sphère politique, de quelque nature qu’elles soient.

La période d’inactivité du Conseil a certainement eu des conséquences. Quelles sont vos priorités ?

Il convient de souligner que depuis ma nomination le 17 novembre 2018 par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, nous avons œuvré, avec les membres du Conseil, son Secrétaire Général et l’ensemble des cadres, à doter le Conseil des outils nécessaires à son bon fonctionnement.

Dans ce cadre, les instances de notre institution ont adopté le règlement intérieur de notre conseil, sa charte d’éthique, son budget au titre de l’année 2019, le statut du personnel et des cadres. Nous avons, également, entrepris le chantier de l’aménagement d’un nouveau siège plus adéquat.

Parallèlement, le Conseil a procédé à l’examen des dossiers en instance depuis 2014, tout en traitant, dans les délais légaux, les nouvelles saisines qui lui sont adressées, en matière de concentrations économiques et de demandes d’avis.

Au-delà de ces aspects factuels et gestionnaires importants, notre ambition s’inscrit, enfin, dans le cadre du nouveau modèle de développement à bâtir pour le Maroc du XXIème siècle. Aussi, avons-nous prévu la réalisation de chantiers structurants ambitieux pour l’avenir. Il s’agit de doter le Conseil de la Concurrence d’un baromètre national de la concurrence fondé sur un référentiel porté par des indicateurs objectifs mesurables afin de suivre l’état et l’évolution de la concurrence dans les secteurs et les marchés.

Il s’agit, également de réaliser chaque année un sondage d’opinion pour évaluer les perceptions, qu’ont les acteurs et les institutions qui nous saisissent, de la concurrence dans leurs secteurs et corrélativement dans notre pays. Nous projetons aussi de lancer les bases d’un Observatoire de la veille économique, concurrentielle et juridique pour permettre au Conseil de disposer d’un système intégré d’information. Cet outil sera nourri par le travail des sections du Conseil, celui de sa direction chargée des Instructions, celle de la direction des Etudes, le tout enrichi par les études sectorielles et nationales qui sont menées et pilotées par le Conseil ou réalisées dans le cadre de partenariats nationaux et internationaux.

La vision sur les outils étant clairement fixée, quels sont maintenant pour le cœur de mission du Conseil, les dossiers que vous estimez prioritaires à aborder ?

Il s’agit de prendre en charge d’abord, les dossiers qui concernent les saisines et demandes d’avis adressées au Conseil, en plus des cas d’auto-saisines qui seront initiées par les instances du Conseil.

Le Conseil accordera, aussi une attention particulière à la sensibilisation de l’opinion publique nationale concernant la culture de l’économie et du droit de la concurrence afin que nos citoyens et nos entreprises puissent s’approprier les grandes problématiques que posent la concurrence libre et loyale dans notre pays.

Parallèlement, le Conseil renforcera ses relations de coopération avec tous les intervenants institutionnels dans le domaine de la concurrence, en particulier avec  les Autorités judiciaires et les instances de régulation sectorielle.

Le Conseil veillera, enfin à renforcer ses liens avec les autorités nationales de la concurrence de par le monde, afin de permettre à notre pays d’occuper la place qu’il mérite sur les plans continental et international dans le domaine  de la régulation et de la gouvernance économique.

 

Les entreprises et les consommateurs attendaient avec impatience la réactivation du Conseil de la Concurrence. Comment vous envisagez de répondre  à leurs attentes et selon quelle stratégie ?

Le  Conseil  demeure  conscient  du  rôle  qu’il  est  appelé    à jouer dans le paysage institutionnel national en tant qu’instance de gouvernance économique. Il le fera, comme précisé auparavant, à travers ses décisions et avis, en consacrant dans les faits l’égalité des entreprises et des citoyens devant l’acte économique, la  lutte  contre  l’abus de position dominante et les positions de rente de tout genre, et à travers la levée des barrières qui entravent l’investissement, l’innovation et la créativité.

L’objectif stratégique final est de libérer les énergies de notre économie et de notre société, et in fine de promouvoir un modèle marocain de démocratie économique et d’équilibre institutionnel entre les pouvoirs exécutif, législatif, consultatif et de régulation.

Dans cette perspective, le Conseil compte utiliser toutes les possibilités qui lui sont offertes   par    la    législation  en vigueur, notamment la sensibilisation  aux   principes de la concurrence loyale et équitable et le cas échéant, le recours aux sanctions régies par la loi sur la liberté des prix et de la concurrence.

Pour la réalisation de ces objectifs, le Conseil a déjà entamé un processus de renforcement de ses capacités  en ressources humaines d’un niveau de compétences, d’excellence, d’engagement d’intégrité et de probité à la mesure de ses ambitions.

Le conseil poursuivra ce processus et l’intensifiera en mettant en place un dispositif permanent porté par un programme de formation à vie au profit de ses rapporteurs, ses enquêteurs, ses chargés d’études et des cadres, tout en explorant les possibilités qu’offre à notre Conseil le partenariat international.

Certains secteurs économiques sont fortement encadrés par des lobbyings (banques, assurances, pétroliers, industrie pharmaceutique etc….) Est-ce que cela constituera un obstacle supplémentaire devant les missions du Conseil ?

Il est tout à fait naturel, comme vous le savez, que les opérateurs économiques cherchent à défendre leurs intérêts sur les marchés.

Mais face à cela, le Conseil de la Concurrence est tenu d’agir en toute impartialité et indépendance du monde des affaires et de la sphère politique, avec comme mission de veiller au respect des règles de la concurrence libre et loyale à travers une application stricte de la loi.

 

Dans ce cas, quelle stratégie envisagez-vous pour arriver à concilier entre des intérêts antinomiques des secteurs ?

En tant qu’instance de bonne gouvernance économique, constitutionnelle et indépendante, le Conseil demeure attaché au principe d’égalité de tous devant la loi, que ce soit au niveau des décisions qu’il est appelé à prendre, ou des avis qu’il est appelé à émettre.

D’une manière globale, le Conseil assure le contrôle des comportements des acteurs économiques à travers la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et un contrôle de la structure des marchés, à travers la veille qu’il exerce au niveau des concentrations économiques.

Quid du sort des opérations constitutives d’atteinte à la concurrence ou ayant vocation à être qualifiées d’abus de position dominante, réalisées pendant la période d’inactivité du Conseil ?

Depuis ma nomination, une des premières décisions qui a été prise est celle de la liquidation entière des dossiers en instance.

Pour ce qui est des projets de concentration, ils sont désormais notifiés au Conseil de la Concurrence qui les traite selon des procédures précises et bien définies par  la loi.

Ainsi, tout projet de concentration dépassant un seuil déterminé en terme de chiffre d’affaires réalisé par les entreprises concernées, doit faire l’objet d’une notification, suivie de la désignation d’un rapporteur qui se penche  sur l’examen des effets de cette concentration sur la concurrence dans le marché concerné et suite à cette analyse, la  décision  est  prise  par  l’organe  délibératif  du Conseil qui peut soit autoriser la réalisation de la concentration, soit l’assortir de conditions, soit l’interdire au vu des effets qu’elle peut avoir sur le marché concerné.

Enfin, il y a lieu de relever que toute cette procédure est rigoureusement encadrée au niveau des délais et l’enjeu pour le Conseil est de réaliser en même temps l’objectif de la facilitation de la dynamique d’investissement, sans pour autant porter atteinte à la concurrence.

La loi, 121-12 modifiant  la loi 24/96 sur  la poste et   les télécommunications a consacré le principe de la régulation sectorielle et l’a conférée à l’ANRT. Comment appréhendez-vous cette situation ?

Il convient, à cet égard, de préciser que l’article 166 de    la Constitution attribue des compétences décisionnaires et consultatives larges qui concernent l’ensemble des secteurs  d’activité  économique.  Cette  orientation  a   été confirmée par la loi 20-13 et la loi 104-12 en vertu desquelles, le champ de compétences du Conseil s’étend à toutes les activités de production, de distribution et de services.

Aussi, tout ce qui concerne le volet relatif à l’application du droit de la concurrence revient au Conseil de la Concurrence. La seule exception prévue par la législation concerne le cas de l’ANRT qui jouit, en vertu de son texte fondateur, d’attributions en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles.

Pour les autres régulateurs sectoriels, ils sont compétents en matière de régulation technique des secteurs qui relèvent de leurs de compétence, alors que le Conseil est compétent en matière de régulation concurrentielle.

Les textes d’application étant publiés, le dispositif légal sur la liberté des prix et de la concurrence semble en état de fonctionner pleinement

Notre chance à ce niveau est effectivement que tous les textes d’application des lois, 20-13 concernant le Conseil de la Concurrence et 104-12 relative à la liberté des prix  et de  la  concurrence,  ont  été  publiés.  Cela  permettra  à notre conseil de travailler dans un cadre législatif et règlementaire bien défini et cadré.

Mais, il va de soi, qu’au vu d’une expérience, même courte, nous avons constaté la nécessité d’apporter des améliorations à l’actuelle législation. C’est pour cette raison que nous allons nous pencher sur les amendements qui nous paraissent indispensables à introduire à l’actuel corpus législatif et réglementaire et ce afin de permettre  à notre conseil d’être en phase avec les bonnes pratiques en cours dans le monde d’un côté et de tenir compte des spécificités de l’économie et de la société marocaine, de l’autre.

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